J’ai eu la chance d’interviewer Christian Rivière. Son blog dedans-dehors.com est une mine d’informations sur notre patrimoine. Vous serez fasciné par La Couvertoirade, cité templière en Aveyron. Comment beaucoup d’enfants les mots de templier, quête du Graal, nous faisaient rêver. Aujourd’hui, je souhaite vous ramener sur les chemins de notre histoire énigmatique. Mais également sur des événements, des lieux dont nous sommes originaires. C’est grâce à cela que nous nous sommes rencontrés. Christian Riviere : énigmes et patrimoine
Christian Rivière : un homme passionné d’histoire
Christian est passionné d’histoire, mais plus encore des hommes qui ont façonné notre patrimoine. Il se nourrit d’anecdotes, je le qualifierai de grand reporter des savoirs. Tourné vers les autres, il est tendre, sensible et authentique comme vous le découvrirez dans ce portrait. Je vous invite également à voir le film – reportage sur le Village assassiné. Il a été si ému, qu’il a dû arrêter de tourner un instant. C’est cette humanité qui m’a touchée chez lui, aussi, je tenais à vous le présenter (Pour ceux qui ne le connaissent pas encore…).
Très ouvert, tournée vers les autres : il adore apprendre, et comprendre. Généreux, très à l’écoute, il partage ses connaissances. Il a donc créé son blog Dedans-Dehors. Originaire d’Albi, Christian est amoureux de sa région. Il a commencé par travailler à l’Office de Tourisme de la ville. Par la suite, avec une formation poussé sur l’histoire régional, il est devenu Guide Interprète Local, puis régional et Guide Conférencier. Il est un des co-fondateurs de l’AGIT, Association des Guides Interprètes du Tarn. Le Tarn a un patrimoine très riche. Un patrimoine à faire découvrir, à conserver, c’est dans ce dessein qu’œuvre Christian depuis près de 29 ans.
Vous allez le découvrir au travers de ses reportages. Vous ferez comme plus de 1,7 K d’abonnés. Vous commencerez par le reportage dont la ville ou le thème vous parle le plus et très vite, vous regarderez et lirez le suivant ! Vous partirez ainsi à travers l’Occitanie, entre mystères et anecdotes, au contact des habitants et des restaurants. Oui, Christian est gourmand ! Cette gourmandise des bonnes choses, de la vie, des relations. Son blog est comme il le dit si bien « personnel ». En effet, vous allez à chaque reportage apprendre un peu plus de Christian.
Ce qui fait également le succès de son blog, c’est la façon dont sont présentés les articles. Un ton amical, très proche, authentique. Il y a un reportage vidéo sur le lieu, les habitants, puis vous pourrez lire son cheminement et ses ressentis.
Patrimoine et mystères de notre histoire
Habituellement j’écris tout le portrait des passionnés. Je les écoute, ou les lis, fouille, cherche des anecdotes. Je réalise une investigation sur ce qui les anime et tente de les découvrir, pour retransmettre leur passion. Christian, comme Daniel Dugès, qui lui aussi nous emmène dans des voyages remplis de symboles et d’énigmes (Rennes-le-Château), parle avec passion, et ses mots dévoile qui il est. Alors bon voyage dans l’histoire, les secrets, les énigmes…
Comment est née votre passion pour le patrimoine, les mystères, les personnes ?
– Depuis tout jeune, je suis passionné d’Histoire avec un grand H mais aussi de la petite histoire qui a souvent fait la grande histoire. Mes racines familiales viennent de plusieurs pays. Très jeune également je me suis intéressé à ces cultures dont j’étais issu et qui coulent de façon induite dans mes veines. Les mystères m’ont eux aussi très tôt attiré.
De par les contes fantastiques pour enfants que je lisais, mais aussi par la découverte et la pratique de la religion catholique quand j’avais 7 ans. Là, questions mystères on est servi !!
Mon esprit très candide s’est donc très tôt mis à rêver et il n’a toujours pas cessé, même si je pense avoir beaucoup perdu de ma candeur. J’adore apprendre et j’adore rencontrer des personnes de culture, de formation ou d’expérience différentes. La différence de l’autre nous enrichie.
C’est extrêmement important pour moi de m’enrichir de l’autre. C’est une chance fabuleuse que nous avons et à la portée de tous. Saisissons-nous-en, ouvrons nos yeux, nos oreilles et notre cœur. Chaque nation, chaque monument se sont construits de l’expérience différente d’artisans et d’artistes venus de pays différents.
Ainsi autour de moi en albigeois, les romains, les wisigoths, les ostrogoths, les maures, les phéniciens, les celtes, les ibères et je ne sais encore ont bâti ma région, ses monuments, son histoire et se faisant, nos racines, nos caractères et donc qui nous sommes. Pour moi notre histoire, notre passé coulent dans nos veines.
Naissance du blog : DEDANS-DEHORS
Pourquoi réalisez-vous des reportages sur le patrimoine secret ?
– J’ai été formé pour être guide conférencier. Profession que j’ai longtemps exercé avec délice durant plus de 10 ans. De par mon métier dans le tourisme depuis près de 30 ans, j’ai la chance et le privilège d’avoir accès à des lieux fermés au public, à rencontrer des personnes formidables.
Pour exemple, j’ai eu la très grande chance de côtoyer durant plus de 20 ans Feue Nicole-Bérangère Tapié de Céleyran, arrière petite cousine du plus parisien des peintres albigeois Henri de Toulouse-Lautrec. J’ai adoré passer ces longs moments en tête à tête où elle me contait ses souvenirs d’enfance. Elle se souvenait de sa tante Adèle, la mère du peintre, qu’elle allait voir à Toulouse. Femme stricte, voir taiseuse, toute habillée de noir, dans un appartement sombre, aux tentures tirées sur les fenêtres pour obscurcir la pièce.
C’est quand même fou que de penser qu’elle aurait très certainement connu Toulouse-Lautrec s’il n’était pas mort si jeune ! J’aurai aimé enregistrer tous ces souvenirs…
C’est à sa disparition que l’idée de créer mon blog a commencer à germer dans ma tête. Puis il y a eu toutes ces visites privées dans des lieux fermés au publics où à chaque fois je regrettais de ne pouvoir partager ces moments. J’ai donc pris la décision de publier sur les réseaux sociaux mes visites.
Les personnes qui me lisaient me disaient qu’elles lisaient avec plaisir mes publications comme un blog. A force de le lire, j’ai donc fini par ouvrir mon blog personnel en 2017. D’abord avec des photos et du texte puis Justin est très vite arrivé avec sa sensibilité d’artistes, son goût pour les photos et son désir de filmer…
La création d’un reportage en Occitanie
– Avant tout, je demande à Justin s’il est d’accord pour tourner le sujet choisi et s’il est disponible. Comme nous n’avons pas les mêmes convictions, si c’est un sujet qui est ou qui contient un passage religieux, il est important pour moi qu’il me donne son assentiment avant de lancer la machine.
Je contacte le Comité du Tourisme du lieu et/ou l’Office de Tourisme pour voir avec eux s’ils peuvent m’aider à organiser les visites et même parfois notre séjour. Comme la grande majorité de nos reportages sont en Occitanie, nous partons tôt le matin pour arriver en fin de matinée. Nous testons dès que nous le pouvons un restaurant qui apparaitra à la fin de notre reportage. Nous sommes deux gourmands…
Puis nous rencontrons notre guide du jour. L’idée est toujours de faire une visite commentée de façon simple et accessible à tous. Il faut que la personne me reçoive comme si elle recevait un ami à qui elle fait visiter sa ville ou son village.
Je suis friand, vous vous doutez-bien d’anecdotes ou de petits secrets ! Dès que nous le pouvons, nous ouvrons des portes fermées au public.
Même si les vidéos font quasiment le format classique d’un documentaire TV, entre 26 et 30 minutes, on ne peut pas tout dire, ni tout montrer. Le tournage dure au minimum 4 heures mais parfois il nous faut quasiment la journée, surtout si à cause de mes bafoues, nous devons recommencer les prises de vues…
Une fois rentrés, vient ensuite le moment de la post-production. Je commence par dérusher toutes les images. C’est-à-dire que je passe une à une toutes les photos et toutes les séquences vidéo que je regarde en entier. Cela prend plusieurs heures… Puis je monte moi-même le film.
Durant toute une journée, j’assemble, je coupe, je rectifie les éclairages, j’ajoute de la musique et quelques infos qui peut-être apparaitront à l’écran. Une fois montée, je visionne plusieurs fois la vidéo. Comme je n’ai pas de formation et que j’aimerais que ce soit parfait, je retouche et revient sur le montage plusieurs fois. Puis je le montre à Justin pour qu’il me donne son point de vue et si besoin, je corrige.
Arrive le temps de l’écriture. Le fait d’avoir le film monté m’aide beaucoup à me remémorer ma visite. L’écriture se veut plus personnelle, c’est avant tout un blog personnel. Je n’hésite pas à donner mon sentiment sur les choses, les lieux, les moments… C’est toujours positif. D’abord parce que c’est ma nature et celle de Justin, ensuite parce que j’ai besoin de rêver et que mon but, c’est de partager ce rêve.
Enfin comme nous avons choisi le reportage, cela ne peut que nous plaire ! Le temps d’écriture peut lui aussi être un peu long. En moyenne il me faut 6 heures pour écrire un reportage. Parfois parce que l’inspiration peut être à la peine, mais j’ai une fâcheuse manie de vérifier les informations, de retoucher les lumières des photos qu’il me faut choisir et pour peu que ma connexion internet soit un peu lente, le temps de chargement des clichés est plus ou moins long. Puis je relis plusieurs fois mon article, que je fais lui aussi relire à Justin avant de le faire relire à ma « correctrice officielle », ma sœur Martine.
Viendront ensuite les moments de partages sur les réseaux sociaux après a mise en ligne.
Des reportages marquants
Quel reportage vous tient particulièrement à cœur ?
– En fait, il y en a plusieurs…
Pour l’Histoire, il y a ceux du Monastère des Annonciades de Villeneuve-sur-Lot, ainsi que celui sur le Carmel d’Albi qui ont depuis fermés leurs portes. Celui sur Oradour-sur-Glane dont nous reparlerons plus loin.
Celui sur Sainte Bernadette, de Lourdes à Nevers pilier de ma chaine YouTube, qui m’est très personnel. Pour l’histoire, quand j’ai fait ce reportage programmé des mois à l’avance, je venais de subir plusieurs opérations pour une grave maladie qu’on avait découvert deux mois plus tôt… Mes sentiments étaient à la fois confus, perdus entre douleurs physique et morale et espoir. Seule une phrase écrite, que j’ai voulu discrète, dans ce reportage laisse entrevoir ce moment intime que je partage pour la première fois publiquement.
Il y a tout dernièrement celui sur le Prieuré d’Ambialet. J’essaie actuellement d’apporter tout mon soutien à l’Association Laïque des Pères Franciscains « Mato-Grosso », du nom du diocèse au Brésil où les franciscains du Tiers Ordre Régulier du Tarn sont rattachés depuis quelques années. Je suis encore novice auprès d’eux et des autres bénévoles, mais peut-être qu’un jour, ils m’accepteront comme membre de l’Association.
Stéphane Bern : Monsieur Patrimoine
Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Stéphane Bern ?
– Je l’ai rencontré professionnellement il y a des années sur le tournage de sa superbe émission « Le village préféré des français ». En 2014, Cordes sur Ciel près de chez-moi a été justement le lauréat de ce fabuleux plébiscite populaire.
C’est une personne formidable. D’une extrême gentillesse. Il est d’une patience d’ange avec les gens et c’est avant tout un bourreau de travail. Il maitrise ses sujets qu’il travaille profondément sur le bout des doigts. Pas de prompteur ! Il a une mémoire éléphantesque. Je l’ai entendu se souvenir auprès de quelqu’un de détails qui remontaient à plusieurs années en arrière !
Sa simplicité, son ouverture en font une très belle personne. Je l’admire vraiment. Même si cela me gêne, cela me touche beaucoup quand les personnes ici m’appellent « Notre Stéphane Bern local ». Je n’ai pas une once de son talent et je n’essaie surtout pas de copier « Secret d’Histoire », on ne joue pas du tout dans la même cour, mais nous avons en commun, je pense, cet amour du patrimoine, de l’histoire et des gens.
Lorsque je suis allé chez lui à Thiron-Gardais, faire un reportage sur sa très belle Abbaye-École Royale et Militaire.
Il n’a pu être là car son temps était pris ailleurs mais sa secrétaire personnelle a pris le temps de m’envoyer ses excuses. Nous avons même reçu un gentil petit mot de sa part sur notre blog pour les vœux avec ses encouragements…
Le devoir de mémoire !
Oradour-sur-Glane a été pour vous un moment très dur… Pourquoi teniez-vous tant à faire ce reportage ?
– C’est le reportage qui a été le plus dur à réaliser. Il y a des années de cela, séjournant à Limoges pour plusieurs jours, je suis venu à Oradour. J’étais seul. Je n’ai pas été capable de franchir le portail d’entrée du site. Je me suis écroulé de douleur. J’ai donc fait demi-tour.
En 2019, un ami, Romain Guierre, me parle d’Oradour et de ses liens d’amitié avec le maire des lieux, notre désormais ami commun, Philippe Lacroix, que vous avez interviewé. Il m’invite alors à le rejoindre à Oradour et me propose de m’accompagner avec Philippe pour découvrir avec leur soutien et celui de Justin, le site.
J’avoue que j’ai hésité.
Un matin, le jour de mon anniversaire, j’allume en me levant mon téléviseur et je tombe sur une chaine info. Nous sommes en pleine période des « gilets jaunes ». Une foule dense invective violemment une femme en la traitant de « sale juive ». J’explose en sanglots.
Comment au 21ème siècle pouvons-nous encore s’insulter avec ce racisme, cet antisémitisme insupportable ?? N’avons-nous rien retenu de la 2ème Guerre Mondiale, de ses camps, des atrocités commises sur d’autres humains à cause d’origines, de convictions ou de vie intime ?
Je prends alors la décision de faire ce reportage et d’accepter cette invitation. J’y suis allé en tremblant. Aucun tournage ne fut aussi grave et difficile. Je me suis immédiatement noyé dans la voix de Philippe Lacroix, pour ne pas penser et rester concentré. Mais comment voulez-vous ne pas réagir en marchant dans ces rues ? En voyant ces carcasses de maisons et de voitures détruites et figées là telles-quelles ?
Heureusement, nous ne tournons pas en séquences continues et nous coupons et reprenons très souvent. Ma gorge se serre au fur et à mesure mais je dois tenir. La caméra aussi petite soit-elle, attire les gens qui se ressemblent autour de nous et qui écoutent Philippe nous raconter l’indicible.
J’ai la tête qui tourne, il fait chaud. Il me semble voir tous ces gens rassemblés par les SS sur la place, mon oreille me trompe et certains sons naissent dans ma tête. J’ai du mal à respirer mais il faut continuer. Nous arrivons dans l’église, une des dernières haltes prévues. Là ce n’est qu’une litanie d’horreurs que j’entends. Je laisse depuis le début parler Philippe qui, fort heureusement, a un réel don pour ce faire.
Il me faut pourtant rebondir dans ce qui doit être une conversation, un échange. Ma voix est nouée par les larmes qui coulent sur mon visage. Fort heureusement Justin filme de loin et ne fait pas de gros plan. Philippe finit une phrase. Je ne relance pas et fait un signe discret à Justin. Il est temps, je n’en peux plus et j’explose en sanglots. C’était trop intenable. Deux ou trois autres prises ailleurs, et nous avons quitté le site vidés et épuisés. Ce fut très dur à monter et aussi dur à écrire. Mais je suis fier de l’avoir fait pour, à ma mesure, essayer de relayer le message que beaucoup tentent depuis de faire passer : « plus jamais ça ».
Merci Christian, pour votre témoignage. Le village de mes grands-parents où vit ma famille maternelle, et mes parents, prend de plus en plus de place dans mes articles. Je n’en parlais pas avant, mais depuis quelques années, je me sens de plus en plus concernée. J’ai ce devoir de mémoire comme tous ceux qui y séjourne.
Petite, J’ai passé toutes mes vacances aux Bordes, à 1km D’Oradour-sur-Glane. La grand-mère de Philippe était la meilleure amie de la mienne. Nous nous retrouvions pour les vacances, avec les autres enfants des Bordes. Nos grands-parents parlaient peu du massacre. C’est à l’adolescence que nous avons commencé à comprendre. Philippe Lacroix s’est toujours consacré aux autres. Devenu maire, il est resté lui-même, proche de ses administrés et toujours positif. Vous avez raison il a cette présence, cette voix… J’ai eu la chance de l’interviewer récemment et il a su encore une fois parler d’avenir. La devise d’Oradour est « ni haine ni oubli ».
Et demain…
Quels seraient les reportages que vous voudriez réaliser ?
– Une visite complète de Buckingham Palace, moi qui n’en ai vu qu’une partie, avec une rencontre avec la Reine Elizabeth II dans son bureau. Idem pour tous les palais royaux ou princiers comme celui du Grand-Duché du Luxembourg ou de la Principauté de Monaco que j’ai pu visiter (c’est mon côté Stéphane Bern diront certains). Non que je sois royaliste, loin s’en faut, mais j’adore le décorum, les œuvres d’art qui s’y trouvent et ce que côté un peu inaccessible qui me fait rêver, j’y reviens.
Impossible aussi j’adorerai faire un reportage sur les secrets du Vatican. Mais plus réalisable, j’aimerai découvrir la ville italienne d’Udine dans le nord de la Vénétie d’où est issue une partie de ma famille
« Si tu n’as rien d’intéressant à dire, tais-toi et écoute »
Ma citation préférée… Je l’ai souvent entendu, moi qui suis très bavard, mais j’essaie de l’appliquer surtout dans mes reportages. Il me semble qu’elle est tirée de Saint Benoit mais je sais qu’on la retrouve dans un proverbe arabe et chez Ménandre.
Merci Christian !
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